mercredi, juin 25

Militants de la cause gay ou prophètes de Dieu ?

De quoi suis-je le plus fier dans ma vie ? C'est une question que nous nous posons tous à un moment donné dans notre vie. Les militants LGBT en ont même fait une occasion de manifester avec la Gay Pride (rebaptisée Marche des Fiertés en France) suite aux descentes de flics en 1969  dans un bar de New York, où se réunissaient gays, trans, prostituées et autres parias de la société. On a peine à imaginer le chemin parcouru en 45 ans. Nous avons longtemps été rejetés de la société, ou pire, réduits à l'invisibilité. On ne parlait pas de ces choses là. C'était tabou. Ou alors, ON parlait de NOUS. On demandait aux "experts" de parler de ce douloureux problème de l'homosexualité (les plus vieux se souviendront à ce sujet de Menie Grégoire). Beaucoup vivaient dans la honte et l'ombre de leur propre vie, sans pouvoir articuler leur vie sociale et affective. Ceux qui étaient croyaient vivaient leur état comme une malédiction, éprouvant le plus grand mal à réconcilier foi et homosexualité. Ceux qui étaient "découverts" devaient en subir les conséquences, et la discrimination était bien réelle. Pour ces personnes, la Gay Pride représentait une des rares moments dans l'année où ils pouvaient s'exprimer, se montrer et revendiquer des droits vers plus d'égalité. C'était aussi une façon de se construire une identité, de grandir dans l'estime de soi, d'avoir un minimum de fierté.

Aujourd'hui, où en est-on en France ? La discrimination basée sur l'orientation sexuelle et les propos homophobes sont punis par la loi. Les gays sont largement représentés dans les médias. L'homosexualité est un sujet dont on parle largement et où la parole est donnée à ceux qui la vivent. Même s'il existe des exceptions notables, on n'est généralement plus ostracisé quand on dit qu'on est gay, que ce soit à ses amis, sa famille ou ses collègues (il y a encore des exceptions cependant). Les couples de même sexe peuvent se marier et adopter des enfants. Certaines églises (dont la mienne) commencent à bénir des unions homosexuelles.  Bref, nous avons acquis énormément de droits, qui ont changé notre vie, et qui nous permettent de vivre dignement comme tout individu.

Personnellement j'estime que nous avons obtenu tous les droits auxquels nous aspirions légitiment. Je suis heureux que nous puissions nous marier, même si une union civile avec des droits identiques m'aurait tout autant convenu et aurait sans doute moins divisé la société. Je comprends que la dimension fortement symbolique du mariage puise faire réagir les opposants au mariage gay. Je ne les taxe pas d'homophobes pour autant. J'essaye d'écouter ce qu'ils ont à dire et d'entrer en dialogue pour m'enrichir plutôt que de conforter mes certitudes. J'avoue aussi que je suis mal à l'aise avec l'instrumentalisation politique que font certains militants LGBT de ce mariage, qui en font parfois une étape vers d'autres droits plus contestables, où l'importance des différences biologiques entre hommes et femmes et la spécificité du couple hétérosexuelle sont parfois niées ou minimisées. Pour moi, un homme et une femme sont différents dans leur essence,  de sorte que les dynamiques en jeu dans les couples H-H ou F-F ou H-F ne sont pas identiques. On a trop tendance aujourd'hui à assimiler égalité et identité, à promouvoir une mixité indifférenciée qui nie les différences qui ont pourtant des richesses.  Cela n'aide pas chaque sexe (et non pas genre) à réaliser ce qu'il est.

Car, en tant que chrétien, je crois que nous sommes appelés à réaliser ce pour qui nous avons été crées afin de glorifier Dieu. Or, comme disait St Irénée de Lyon, « La gloire de Dieu c'est l'homme vivant ; la vie de l'homme, c'est de contempler Dieu. ». Contrairement à certaines militants LGBT, je ne pense pas que nous pouvons disposer de nos corps comme nous voulons. Ce corps nous est donné par Dieu pour aimer. Et le corps des chrétiens est le temple du Saint Esprit (cf 1 Corinthiens 6:19). Ils doivent donc en prendre soin, et faire en sorte qu'il glorifie Dieu, car ils sont sauvés corps, âme et esprit (la foi chrétienne donne une grande importance au corps et d'ailleurs ceux qui ressusciteront le feront avec leur corps). C'est pourquoi l'infidélité, la promiscuité, ou la prostitution ne sont pas dignes d'un chrétien. Ce n'est pas une simple question morale. Il s'agit de choisir un chemin de vie qui nous aide à mieux aimer. C'est une posture clairement réactionnaire pour certains milieux gays où les couples ouverts, la sexualité débridée, la pornographie voire le "travail du sexe" sont mis en valeur. 

Et c'est là que je dis qu'il est dangereux que les chrétiens gays prennent trop à leur  compte la "culture gay". Il y a du bon à prendre, mais aussi du mauvais à rejeter.  Jésus nous appelle à être la lumière qui éclaire le monde, le sel de la terre, le levain, dans la pâte. Pour paraphraser Jean 17:11-19, nous devons être dans le "monde" gay (en partageant la vie de nos pairs) sans être du monde gay , quitte à être rejetés, car nous appartenons à Jésus, notre seul Sauveur et Seigneur.  Il est temps à mon avis que les chrétiens gays passent du statut de militants revendicateurs à celui de militants de Dieu, d'exercer leur vocation de prophètes "foux de Dieu", laissant l'Esprit Saint les conduire afin d'amener des plus en plus de gays à découvrir Dieu révélé en Jésus, mort et resuscités. Saurons-nous relever ce challenge et annoncer joyeusement et avec audace aux gays qui nous entourent que Jésus a donné Sa vie pour les sauver eux-aussi ?   

4 commentaires:

Eric Linder a dit…

Bien Cher Jean-Marc,

vous devez vous rendre compte que j'ai souvent suivi votre blog avec un vif interet, et avec reconaissance pour la profondeur toujours developee de vos idees theologiques. Je viens de lire votre dernier poste avec bien de souci pour les reactions que vous avez deja recus de notre fraternite plus militants. Votre sentier de foi n'a pas ete ni doux de pente ni plante de roses, je suppose, mais je recois d'appui spirituel en sachant qu'il y a des gais comme vous au monde.
Chris Yaw, l'auteur de JESUS WAS AN EPISCOPALIAN, avec qui j'ai passe une soiree chez des amis il y a une semaine, vous salue.

Eric Linder

Anonyme a dit…

Post intéressant mais malheureusement, je sens de votre part d'avantage de condescendance envers vos pairs chrétiens qu'un regard réellement prophétique.

Vous êtes heureux des acquis pour la communauté gay mais faites bien attention de ne pas prendre pour acquis même des lois qui pourraient changer avec la montée de la droite en France. Vous risquez de vous tirer dans le pied en agissant ainsi.

Georges a dit…

Cher J-M,

Je te suis complètement, lorsque tu dis que le corps nous est donné par Dieu pour aimer, et que le corps des chrétiens est le temple du Saint Esprit, et que «l'infidélité, la promiscuité, ou la prostitution ne sont pas dignes d'un chrétien». Je suis moi-même très mal à l'aise, amicalement et pastoralement, lorsque des gais croyants sont fiers d'une vie de débauche, où lorsqu'ils mettent toute la communauté LGBT au niveau des prostituées.

Je me rappelle la parole de Mgr Gene R, qui disait: «Il est plus facile de faire son coming-out de gai devant ses amis hétéros, que de faire son coming-out de chrétien devant ses amis non-chrétiens.»

Voilà pourquoi, je crois que la communauté gaie n'est pas uniforme. Dans le monde gai, il y a aussi les familles homoparentales, par exemple.

Je ne sais pas s'il y a une culture gaie. Je me rappelle quelques événements "culturels". Une fois, Nicolas et moi sommes allés à une sorte de bal gai, où, à ma surprise, nous étions le seul couple à danser en coupe. Une autre fois, en faisant une sortie entre LGBT, je me suis rendu compte que j'avais de loin beaucoup plus à partager avec les filles métalleuses qu'avec les mecs.

Par contre, je ne te suis pas du tout lorsque tu dis que «un homme et une femme sont différents dans leur essence». Si c'était le cas, l'incarnation serait un échec. Comme je l'ai dit dans mes lettres aux gafconites et aux évêques anglais, la plupart des hérésies christologiques niaient une partie de l'humanité du Christ. Si «un homme et une femme sont différents dans leur essence» et si Jésus a été un mec, alors il n'a pas pu sauver l'humanité tout entière.

Les apollinaristes niaient que le Christ eût l'intelligence humaine; à leur avis, le Verbe n'en avait pas besoin. Saint Grégoire Nazianzène lui répondit que, si le Christ n'avait pas assumé l'intelligence humaine, il n'aurait pas pu sauver l'intelligence des humains. Plus tard, les monothélites niaient que le Christ eût la volonté humaine; à leur avis, la volonté divine suffisait. Saint Maxime leur répondit que, si le Christ n'avait pas assumé la volonté humaine, il n'aurait pas pu sauver la volonté des humains. «Ce qui n'a pas été assumé, n'a pas été guéri. Mais le Christ a assumé la nature humaine tout entière.»

La théorie des différences ontologiques entre deux groupes, ce binarisme sexuel, ça ne tient pas la route devant l'orthodoxie. Nous pouvons être différents dans des détails insignifiants: il y a des noirs, des verts, des athlètes, des doués pour les maths, doués pour les langues, des mâles, mermaphrodites, hermaphrodites, fermaphrodites, femelles etc. Mais, comme le Christ est un, en assumant l'humanité, chaque humain est participant de la même humanité, sans distinction ontologique.

Voilà pourquoi ça n'a aucun sens de parler de «mariage» pour l'union femelle+mâle, et «autre chose» pour l'union mâle+mâle. Quels autres noms, alors, pour les unions entre, par exemple, un mâle et un(e) fermaphrodite? Les dynamiques dans les différents couples peuvent être différentes, à cause des caractères des gens, non pas à cause de leur virilité ou féminité.

Eric Linder a dit…

Jean-Marc, est-ce bien vous apres une silence si longue? Je crois vous ne vous presentez plus a la Cathedrale anglicane a Paris, mais j'espere de tout mon coeur que vous gardiez la foi que vous animait autrefois.

Je viens de relire Manon des Sources, et je me trouve disponsible a m'exprimer un peu dans
la langue que m'a enchante des mes premiers lectures de TINTIN au Bresil pendant les annees cinquante du 20ieme siecle.

Eric, votre connaissance a Michigan