jeudi, décembre 9

Au Canada, la Cour suprême approuve les mariages homosexuels tout en garantissant aux autorités religieuses leur droit de refuser

Article du Monde

Le dernier obstacle à la légalisation du mariage entre personnes de même sexe au Canada a été levé jeudi 9 décembre grâce au feu vert donné par la Cour suprême au dépôt d'un projet de loi par le gouvernement fédéral. Celui-ci a annoncé qu'il soumettrait une loi en ce sens au Parlement dès janvier prochain. Répondant à des questions précises du gouvernement, les juges ont affirmé sans équivoque qu'il appartenait bien au Parlement de légaliser le mariage gay et que celui-ci était conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, qui régit les droits de l'individu au Canada. Aux différentes autorités religieuses qui s'inquiétaient d'être contraintes de célébrer des unions gays contraires à leurs croyances, la Cour a assuré que la liberté religieuse inscrite dans la Charte garantissait leur droit de refuser.

LE TROISIÈME PAYS À LÉGALISER LE MARIAGE GAY ?
En juillet 2003, plutôt que de faire voter le Parlement et de risquer ensuite un désaveu de la plus haute instance judiciaire du pays, le premier ministre d'alors, Jean Chrétien, avait préféré lui soumettre d'avance son projet de loi. En janvier, son successeur, Paul Martin, avait ajouté une question à la Cour suprême, une décision vue par beaucoup comme un moyen de repousser l'avis des juges après les élections générales de juin 2004, alors que le sujet divise les Canadiens. D'ores et déjà, le ministre de la justice, Irwin Cotler, a assuré qu'il entendait introduire le texte au Parlement très rapidement, pour que le Canada devienne le troisième pays à légaliser le mariage gay, après les Pays-Bas et la Belgique (sans droit à l'adoption), à moins qu'il ne soit devancé par l'Espagne, dont le gouvernement a approuvé un projet similaire.

QUELQUE 3 000 COUPLES GAYS DÉJÀ MARIÉS AU CANADA
Même s'il est minoritaire au Parlement et si ses 134 élus, qui auront droit à un vote libre, sont très partagés sur le sujet, le gouvernement libéral devrait pouvoir faire adopter ce texte sans trop de difficultés. Face aux 99 députés conservateurs, majoritairement issus des plaines de l'Ouest traditionnelles, le Parti libéral pourra en effet bénéficier de l'appui des indépendantistes du Bloc québécois (54 sièges) et des progressistes du Nouveau Parti démocratique (NPD, 19 sièges). Mais même si les députés n'arrivaient pas à voter le texte, la décision de la Cour suprême garantit désormais la validité des décisions des tribunaux provinciaux qui ont déjà autorisé le mariage gay. Car sans attendre les députés, tour à tour, la justice de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, du Québec, du Manitoba, du territoire du Yukon, de la Nouvelle-Ecosse et de la Saskatchewan ont jugé discriminatoire l'interdiction du mariage gay. Résultat, aujourd'hui, celui-ci est déjà accessible à quelque 85 % des Canadiens. Devant la presse à Ottawa, Martha McCarthy, avocate militant pour le mariage gay, a souligné que la décision de la Cour suprême était une bonne nouvelle pour les quelque 3 000 couples gays déjà mariés au Canada. "La Cour a unanimement déclaré aujourd'hui qu'il s'agissait là de mariages valides, ayant droit à la protection de la loi", a-t-elle souligné. Le leader de l'opposition, le conservateur Stephen Harper, a voulu lui aussi crier victoire en saluant la reconnaissance de la liberté religieuse et le refus de la Cour de répondre à la question sur l'inconstitutionnalité de la définition traditionnelle du mariage - l'union entre un homme et une femme. Un "oui" aurait bien arrangé le gouvernement puisqu'il aurait alors imposé un changement de la loi. L'évolution des mœurs galopant plus vite que les législateurs, le Parlement devra aussi changer la loi du divorce car, en septembre, deux lesbiennes qui s'étaient mariées dans l'Ontario ont été le premier couple homosexuel à vouloir divorcer.

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